Bernard di Sciullo, une vigueur exquise. Il est à Cachan un homme qui est peinture, et n’est que peinture. Si quelqu’un, traversant la cohue d’un vernissage de Biennale, laisse un enêtant sillage de térébenthine et de lin derrière lui, ce n’est autre que lui, Bernard di Sciullo, tombé de naissance croirait-on dans l’huile comme d’autres dans la potion magique. Il y a d’ailleurs du sorcier en lui, aussi sûrement que l’huile est pratique sorcière, alchimie de l’ambre et de l’obscur, du feu et du fluide.
La peinture de Bernard di Sciullo ? De grands visages, tous féminins, érigés sur des toiles à taille humaine, et triturés, malmenés, tourmentés - comment dire ?- bousculés voire attaqués par la couleur. A gros traits, parfois longs, parfois secs, noirs de jais ou traînées de Prusse, à coups de taches, de giclures, d’arabesques, rose crème et rose panique, assauts d’ocre sourd ou de rouge sombre, bref : des figures violemment prises à parti par la peinture. Peinture violente, donc ?
Le risque est grand, en effet, de ne voir là que violence - exercée contre le visage - et, s’arrêtant à cette agression, de passer outre. De passer à côté d’un art qui fait de la vigueur un emploi et une vertu si constants qu’on ressort de sa contemplation, si peu qu’on s’attarde, proprement revigoré.
Et, si l’art est la vraie santé, de rater une leçon de vitalité.
D’où provient que cette peinture, d’emblée, nous apostrophe ? Qu’on en prend « plein la gueule » ? Denis Fernandez-Recatala, dans l’essai qu’il consacre au peintre (Bernard di Sciullo ou les faveurs de la peinture, éditions La Dispute), dit qu’un soir « ses tableaux nous traumatisèrent au point de ne plus jamais nous quitter ». Traumatisme : oui, au sens d’ « émotion violente qui modifie la personnalité du sujet en le sensibilisant aux émotions de même nature » (Robert), un impact qui est la marque, souvent, des oeuvres décisives.